Essai sur une théorie générale des propriétés collectives
Afin de rompre avec la tradition antérieure de la communauté, les rédacteurs du Code civil en 1804 ont opté pour une logique plus individualiste de la propriété, dans la continuité de la reconnaissance de l’individu en tant que citoyen. Ils étaient en effet peu enclins à reconnaitre des propriétés collectives, c’est-à-dire des biens qui appartiennent à plusieurs personnes et sur lesquels elles ont des droits analogues pendant une certaine période. Ce n’est que par obligation, dans le but de répondre à une nécessité pratique, qu’ils ont intégré l’indivision. Cependant, une temporalité a été immédiatement prévue à cette cotitularité de droits, puisque le partage pouvait être provoqué à n’importe quel moment. Cette possible propriété collective n’avait donc qu’une place résiduelle au sein du Code civil jusqu’à encore récemment. Pour autant, par le biais du développement du commerce et de l’industrie ainsi que de l’urbanisation et d’un accroissement démographique important au cours de ce dernier demi-siècle, la France a entamé un nouveau cycle historique en reconnaissant la légalité de certaines propriétés collectives, telles que les biens communs, les indivisions perpétuelles et forcées, la mitoyenneté ou bien encore la notion de cours communes. Il s’agit bien évidemment d’une notion d’affectation moderne, qui comprend plusieurs formes et structures des propriétés collectives. Ce thème est particulièrement d’actualité puisqu’il est au cœur de préoccupations contemporaines, notamment suite à la réapparition de propriétés collectives classiques, ainsi que la création d’autres propriétés dues à l’évolution de la société, comme peuvent l’être par exemple les propriétés intellectuelles ; voire la résistance de certaines propriétés collectives traditionnelles locales, telles que les patecqs, qui sont notamment des chemins ruraux destinés aux fermiers permettant le passage de leurs animaux et qui se caractérisent par leur usage commun. Outre certaines apparitions récentes de quelques biens communs, il existe donc une multitude de propriétés collectives tant privées que publiques, au regard duquel persiste un débat doctrinal quant à leur nature collective. Il n’en demeure pas moins qu’elles répondent à des besoins a priori différents et dont il est certain qu’elles sont régies par des règles particulières. Elles peuvent en effet trouver leur source dans la jurisprudence, ou bien se référer à des règles de droit qui, bien qu’elles soient de cette même nature collective, sont situés dans des parties différentes du Code civil. Il sera en ce sens intéressant de découvrir ce qui fait l’unité de la catégorie des propriétés collectives en droit, et d’en déduire un régime général dont pourront découler certaines règles communes. De surcroit, l’importance de ce travail aura des impacts tant théoriques que pratiques. En effet, la détermination de certaines règles générales des propriétés collectives pourront permettre une meilleure adaptabilité et un fonctionnement plus adéquat quant aux nécessités contemporaines de la population française, notamment aux regard du partage, de l’accès et de la protection des ressources, qui est une préoccupation actuelle du droit mais aussi, et plus largement, de la société.