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Le service gratuit, entendu comme celui qui est rendu sans contrepartie, est une notion reconnue par le droit. En premier lieu, la gratuité peut avoir pour effet de refouler le service rendu hors du domaine contractuel (par exemple dans le cas du transport bénévole). En deuxième lieu, la gratuité constitue un critère de qualification des contrats (distinction entre les contrats à titre gratuit et les contrats onéreux formulée par le Code civil). Le législateur ou le juge précisent parfois que la gratuité est de l'essence même de certains contrats (prêt à usage, convention d'assistance bénévole). En troisième lieu, la gratuité du service rendu a une incidence sur l'intensité de la diligence attendue du débiteur : ainsi, par exemple, le mandataire à titre gratuit ne répond pas de ses fautes légères et très légères, contrairement au mandataire rémunéré (C.civ., art. 1991 et 1992), le dépositaire gratuit bénéficie de la bienveillance du législateur dans l'appréciation des soins qu'il doit apporter à la garde de la chose (C.civ., art. 1927 et 1928)... En quatrième lieu, la gratuité est une des composantes des quasi-contrats (C.civ., art.132 relatif à la gestion d'affaire)... Mais depuis la rédaction du code civil, la gratuité semble avoir perdu du terrain, en raison du phénomène de professionnalisation massive des conventions. Dans ce contexte, la gratuité doit-elle demeurer un critère de qualification ? Doit-elle dicter un régime juridique spécifique ? La notion de gratuité ne mérite-t-elle pas d'être affinée ? L'hypothèse est que le service gratuit se ramifie en deux sous catégorie : le service gratuit désintéressé et le service gratuit intéressé. Ce dernier se présente comme un service rendu sans contrepartie immédiate (service gratuit) mais dans l'objectif d'en retirer, dans le futur, un avantage (service intéressé) : on songe, par exemple, au prêt de chariot par un supermarché, au prêt de voiture par le garagiste chargé de réparer le véhicule de son client, mais également à l’ensemble des services offerts sur le réseau internet (services de messagerie en ligne, comparateurs, moteurs de recherche…). Autant de services, certes gratuits, pour le créancier, mais qui ne procède nullement de l'altruisme du débiteur : le service est bel et bien intéressé. La thèse se propose d'appréhender les notions de bienfaisance, d'altruisme, de gratuité, d'intérêt, afin de mesurer la pertinence du droit positif et de proposer des évolutions cohérentes et concrètes. L'ambition de la thèse est de construire une théorie générale du service gratuit adaptée à l'époque contemporaine.