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Les conventions constitutionnelles en droit français

À côté des règles de droit constitutionnel écrites existent des règles dépourvues de support textuel issues de la pratique politique. La doctrine qualifie certaines de « coutumes constitutionnelles » ou de « conventions de la Constitution ». L’étude de l’histoire constitutionnelle française permet d’appréhender l’importance de ces pratiques dans le cadre de la discipline du droit constitutionnel et de la vie politique. L’actualité n’est pas en reste avec la suppression de la « réserve parlementaire » par la loi organique pour la confiance dans la vie publique du 15 septembre 2017 qui permettait au Gouvernement l’ouverture de crédits budgétaires en loi de finances par voie d’amendements conformément aux vœux des élus : cette pratique qui s’est développée en marge des textes constitutionnels –le Conseil d’État semble considérer comme une règle contra legem ce qui nécessite une recherche en soi – est un exemple de « convention de la Constitution » régissant les relations entre les différents acteurs politiques et auquel les juridictions ou la doctrine peuvent se retrouver confrontées. Le développement de ces « conventions de la Constitution » s’explique notamment par l’impossibilité pour les rédacteurs de la Constitution de tout prévoir – y compris la Constitution actuelle de la Cinquième République du 4 octobre 1958 dont la rédaction fut soumise à des impératifs de célérité – et par la nécessité d’interpréter des textes constitutionnels parfois obscurs. Ces derniers doivent évoluer afin de répondre aux évènements qui se succèdent et passer outre les lacunes dont ils pourraient souffrir. Les pouvoirs publics devant appliquer le droit constitutionnel peuvent par conséquent être amenés à créer de nouvelles règles de droit non écrit, susceptible même de provoquer un changement de nature du régime politique. Plusieurs auteurs ont proposé d’appréhender cette notion, notamment le Professeur Pierre Avril, voici 20 ans déjà, dans son essai intitulé « Les conventions de la Constitution. (Normes non écrites du droit politique) » édité en 1997 qui démontre entre autres que le concept d’origine anglaise est bien transposable en droit français. Certains manuels universitaires français – et non l’intégralité d’entre eux – mentionnent ces conventions. Il n’est cependant pas rare que la distinction entre ces dernières et les coutumes constitutionnelles – généralement définies comme l’ensemble des usages ayant pour origine la pratique constitutionnelle à caractère obligatoire – soit malaisée. Outre les sources doctrinales françaises traitant entièrement ou partiellement des pratiques constitutionnelles, notamment les thèses d’Uwanno Borwornsak sur « Les conventions de la Constitution en Grande-Bretagne » (1982) dirigée par le Professeur Michel troper et celle du Professeur Jean Rossetto dirigée par M. Pierre Avril, les écrits anglais sur le sujet ne manquent pas – en témoignent les écrits de A.V. Dicey (Introduction to the study of the law of the Constitution, 1885), de I. Jennings (The Law and the Constitution, 1959), le livre de Geoffrey Marshall (Constitutional conventions : The rules and forms of political accountability, 1983) – permettant de redéfinir l’origine du concept. La qualification des règles non écrites comme « conventions de la Constitution » - ou de « conventions constitutionnelles » - demeure malaisée faute de critère d’identification unanimement partagés par la doctrine offrant alors un champ d’étude assez conséquent. Le statut de ces conventions fait également débat car quand bien même les acteurs politiques, auteurs d’une convention, se sentent liés par l’obligation de respecter celle-ci, sa violation n’entraîne aucune sanction juridictionnelle – les juridictions ne reconnaissant pas la normativité de ces pratiques considérées comme dérogatoires aux dispositions écrites – mais seulement des sanctions politiques. Il est alors pour beaucoup difficile de les considérer comme de véritables règles de droit, une certaine ambiguïté entoure cette notion de « convention ». Les incertitudes relatives à leur qualification juridique constituent un terrain propice à la recherche. La jurisprudence constitutionnelle permettra de saisir l’importance de l’interprétation du juge des normes écrites notamment lorsqu’il découvre ou crée des règles et principes non écrits tels les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ou les principes généraux du droit. Au cours d’un colloque dirigé par les Professeurs P. Avril et M. Verpeaux en 1998 certains intervenants s’étaient posés la question d’un recul potentiel des « conventions de la Constitution » au profit des normes écrites appliquées et interprétées par le juge, il semble que ce ne soit pas le cas offrant ainsi de nouveaux horizons pour la recherche.